jeudi 10 septembre 2015

Iguazu

C'aurait pu être moi.

Je vois un visage, assez clairement. Un nom. A peine une poignée de souvenirs pour aller avec, que je ressuscite avec difficulté. Je l’ai vu pour la dernière fois il y a plus d’un an, avant de partir en Asie, à l’anniversaire d’une amie en commun.

La dernière fois que je l’ai vu, il fêtait ses trois ans avec sa copine. Aujourd’hui, cela aurait fait quoi – quatre ans ? Cinq ans ? Elle, je lui avais à peine parlé. Lui, en revanche, m’était plutôt sympathique.

Si j’avais su ce qui allait lui arriver, est-ce que j’aurais fait autre chose ? Est-ce que je l’aurais vu un peu plus ? Est-ce qu’on aurait pu être amis, vraiment amis, sous prétexte que la vie est courte ? Je n’en suis même pas sûr.

Encore un peu avant, quelques années plus tôt, je me souviens d’une engueulade. Je m’étais battu avec un de ses amis pour une raison idiote, à son propre anniversaire. Il avait quoi – 18 ans à l’époque ? 19 ans ?  Quand j’ai compris que je n’aurais ni tort, ni raison, j’ai quitté la soirée avec Jules j’ai fini ma bière dans la rue. Ce soir-là, Jules et moi avons fait ce que nous faisons toujours - fumer des clopes et refaire le monde. Si j’avais su, rien n’aurait changé.

Ajoutez à ça une chiée de soirées, par l’intermédiaire de, quelques verres échangés, quelques vannes, des conversations trop lisses, trop classique pour que je décide d’en faire un véritable ami. Et si j’avais su, cela n’aurait rien changé.

Je te vois sauter dans la flotte en rigolant, mec. Je vois tes potes qui te regardent, en rigolant eux aussi. Puis je vois la panique s’installer. Je vois tes potes comprendre que tu as merdé, qu’ils ont merdé. Je les vois appeler les secours en panique. Je vois le mouvement du gyrophare contre les arbres du jardin.

Et quand je te vois passer, dans ce brancard qu’on trimballe à la hâte dans l’ambulance, je vois un visage, et ce visage, c’est mon visage. Par ce que toi aussi, tu étais en échange, à Buenos Aires, pas très loin de moi, finalement. Si on s’était mieux connus j’aurais pu venir te voir. Si on s’était mieux connus, j’aurais pu être là. Et si j’avais su…

Alors j’écris un truc. Par ce que je ne peux plus rien faire pour toi.

Par ce que j’apprendrai à parler de toi au passé.

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